Midi approchait mais peu de gens étaient réveillés dans la maisonnée. D'autres très certainement étaient déjà sortis, vaquant à leurs obligations avant de revenir pour les entretiens. Poussant les portes de la grand-salle, il la traversa pour se rendre devant le tableau d'affichage.
Son bâton résonait sur le plancher à mesure qu'il avançait. Sa démarche était fière et sure, la tête haute, regardant à la fois le vide de la salle et la voyant bientôt remplie de vie.
Enfin peut-être un rêve qui allait devenir réalité.
Ce n'était pas exactement son rêve. Du moins pas son rêve d'origine, ce vieux rêve qu'il avait fait lors de l'édification de Gryffondor. Mais il était assez similaire pour qu'il le considère comme tel. De plus, les choses comme les gens sont souvent appelés à évoluer. S'il avait changé, il ne s'en formalisait pas. Bien au contraire, c'était la preuve qu'il était encore vivant. Et avec lui ses rêves avaient évolués.
Le vieillard avait longtemps réfléchi. C'était dans ses habitudes de prendre son temps avant une décision. Il avait lu avec attention les différents messages préalablement déposés. Beaucoup d'enthousiasme transparaissait dans chacun d'eux. Peut-être l'enthousiasme de la jeunesse, mais pas seulement. Pour certains, tous peut-être, cet enthousiasme était celui de la foi, la foi en un idéal, la foi en une solution.
La main tremblante d'émotion, le vieil Enutrof sortit de son sac un papier soigneusement plié. Ne trouvant pas grand chose pour l'afficher au panneau, il considéra un moment son sac et en ressortit un pic de prespic. D'un geste sec, le parchemin se retrouva épingler au panneau, dans le coin inférieur gauche.
C'était le seul endroit encore vierge.
L'écriture soignée permettait de lire ceci:
« Bonjour chers fondateurs,
Même si certains me connaissent, permettez moi de me présenter. Je m'appelle Shoosoka. Je ne m'étendrai pas ici sur mon passé même si vous me verrez ravi de partager mes souvenirs avec vous autour d'une bonne chope ou d'un feu crépitant.
Je suis ange de coeur, même si ce dernier saigne encore des agissements de mes semblables.
Je suis mineur de profession et si j'ai acquis de grande connaissance en la matière je ne puis me considérer comme maître. Ce travail me permet surtout de subvenir à mes besoins et de perpétuer la tradition familiale. J'aime les pierres précieuses et pouvoir les révéler aux yeux de tous est pour moi une entière satisfaction.
J'ai quelques notions de forgeron, surtout dans les épées, symbole de droiture et de justice. Je compte bien devenir un maître dans cet art, et même apprendre à insuffler la magie dans ces lames.
J'ai fait de nombreux combats et j'aspire à maîtriser encore mieux mes maigres capacités dans ce domaine. De même j'aime les joutes loyales que ce soit des joutes verbales ou des combats au premier sang plus communément appelés des défis.
Car il faut bien comprendre que si la paix est un idéal des plus nobles, l'art de la guerre ne doit pas pour autant se perdre. Le monde est vaste. Une grand partie nous est inconnue et de cet inconnu peut sortir les plus grands danger.
Bien sûr, les sages diront que c'est la peur même de l'inconnu qui se révèle le plus grand danger. Et je serai d'accord avec eux. Cependant, nombreux sont les contes relatant des sociétés vivant dans la paix et le bonheur et ayant disparues du jour au lendemain car elles ne savaient plus se défendre.
Harmonie et paix. Deux doux mots à mes oreilles mais laissez moi vous expliquer la musique qu'ils me chantent. La paix est-elle l'abscence de tous conflits? Non je ne crois pas. Les conflits sont indispensables pour créer la nouvauté. La paix est l'abscence de conflits violents. Et c'est dans cet objectif que je, et je m'avancerais ici en disant que nous tous, fondateurs, travaillons.
Comprendre l'autre est la clé. Le respect est nécessaire. Savoir bien se comporter quelques soient les situation permet d'avancer vers la paix tout en entrainant les autres à notre suite, voire même à nos côtés. Je crois en cela.
Toute ma vie, j'ai essayé de comprendre au mieux les autres quelquesoit leur dieu, quelquesoient leurs ailes, quelquesoit leur croyance ou leur rêve. J'ai réfléchi à la nature des choses, me posant de nombreuses questions et ne trouvant que peu de réponses mais cela m'a permis de ne pas fermer mon esprit. Si l'on veut changer le monde, cette ouverture est nécessaire.
Bien sûr je ne suis pas exempt d'erreur. Nous avons tous nos faiblesses et nos humeurs. Certaines sont nécessaires à notre équilibre interne et il faut juste savoir les reconnaître afin d'agir au mieux. Je ne vous dis pas que je serai toujours de bonne humeur et convivial. Mais je vous dis que je le serais toujours devant nos élèves.
Je ne vous dis pas que je ne ferai pas d'erreur, mais je saurai les reconnaître.
Je ne vous dis pas que je détiens la vérité, mais je vous dis que je formerai chaque élève à trouver la sienne.
Aussi, je postule par la présente, au poste de maître en philosophie ou comportements sociaux. Je propose ici-même que les deux disciplines soient regroupées car elles ne sont que le même outil appliqué l'un à l'esprit et l'autre au corps, toutes deux visant à permettre à chacun d'agir sur le monde.
Je vous remercie de m'avoir lu jusqu'au bout.
Shoosoka. »
L'heure des entretiens était si proche que l'Enutrof, après avoir relu une dernière fois son message décida de prendre place dans un des fauteuil afin de méditer sur l'avenir.
Ce rêve devrait se construire à plusieurs. Une équipe de professeurs compétents soudée et disponible. Des élèves appliqués et respecteux. Et surtout une ambiance harmonieuse. La flamme naissante d'Harmonie allait bientôt grandir.